L’accessibilité des jeux en réalité virtuelle

Article paru initialement sur le blog de Wanadev

Quand nous créons des jeux en réalité virtuelle, nous essayons de les concevoir pour qu’ils soient accessibles à tous : de 10 à 100 ans, pour les geeks comme pour ceux qui n’ont jamais touché un ordinateur. Naturellement, la question du handicap se pose immédiatement.

Un jeu n’est pas obligé d’être consensuel, il peut ne pas plaire à tout le monde. En gros, ce que nous voulons dire, c’est que toutes les personnes qui ont envie d’y jouer, doivent pouvoir y jouer.

À l’heure où les jeux video sont toujours plus riches en éléments d’interface ou de game design, où les sens sont stimulés complémentairement pour accroître la sensation d’immersion, comment traiter et prendre en compte les notions d’accessibilité, quand les handicaps peuvent provenir de multiples sources ?

Environ 12 millions de français souffrent de déficiences motrices, sensorielles ou cognitives plus ou moins sévères.

Nous sommes développeurs numériques, et dans notre mission de conception de jeux vidéo, nous sommes confrontés à ces problématiques. Dans cet article, nous ferons un récapitulatif des principales formes de handicap avec des pistes de réponses, et finirons par l’exemple concret du daltonisme.


S’adapter au handicap en réalité virtuelle

Les déficiences auditives

Les déficiences auditives sont les plus fréquentes (environ 5,2M de français) mais ne sont pas les plus problématiques dans notre cas : même si le son est un élément essentiel dans la création de nos jeux, les indications sonores importantes sont la plupart du temps associées à des éléments visuels qui permettent de pallier une surdité totale ou partielle.

Instructions dans le jeu Yin

Le texte du tutoriel du jeu Yin, illustré ci-dessus, en cours de développement par notre équipe, permet à tous de comprendre ce qu’il faut faire, et l’ensemble du jeu est commandé par un unique bouton pour plus de simplicité

Les handicaps moteurs

Viennent ensuite les problèmes moteurs (entre 1,6 et 2,3M selon les sources), qui peuvent affecter la mobilité ou la capacité à effectuer d’autres mouvements. C’est un peu plus compliqué à prendre en compte puisque l’un des avantages des formes de réalité virtuelle sur lesquelles on travaille est justement la liberté de mouvement et l’implication physique du joueur dans l’expérience !

Il resterait beaucoup de travail pour adapter tous nos jeux à tous les types de handicaps moteurs, mais des efforts sont faits pour réduire le nombre de boutons nécessaires (réduisant également les risques de problème en cas de troubles de la motricité fine), et pour prévoir que la majorité des jeux puissent être utilisés assis (en cas de mobilité réduite ou de fatigue).

Les handicaps visuels

Les handicaps visuels touchent quant à eux 1,7M de français…mais c’est sans compter les daltoniens ! Cette anomalie de la vision des couleurs n’est en général pas comptabilisée dans les chiffres du handicap, et certaines personnes ne sont même pas conscientes qu’elles sont touchées. Ce sont pourtant 1 homme sur 12 (et 1 femme sur 200) qui sont affectés par une forme de daltonisme, soit environ 2.9M de français.

Pour certains de nos jeux, ça peut être un réel problème : les couleurs sont un excellent moyen de créer un univers visuel riche, d’enrichir une narration, mais surtout de distinguer des éléments de gameplay essentiels comme un bonus/malus ou simplement sa propre équipe du camp adverse.

Suzanne en parlait précédemment dans un article dédié à la problématique suivante : Comment rendre une expérience VR la plus accessible possible ? .


Un cas concret de réflexion sur le daltonisme dans un jeu VR

Dans le jeu de tir à l’arc médiéval “Bow Islands” par exemple, les deux équipes sont représentées par les couleurs rouge et verte : voilà ce que ça donne en jeu pour un non-daltonien.

ingame bow islands couleurs normales ingame bow islands couleurs normales

Jusqu’ici tout va bien, maintenant pour se rendre compte du problème, activons un filtre qui va nous permettre de simuler ce que verrait quelqu’un atteint de protanopie, protanomalie, deutéranopie ou deutéranomalie, les 4 formes principales de daltonisme (regroupées sous le nom “daltonisme rouge-vert”).

Bow islands vu par un daltonien

On se rend vite compte que le jeu devient difficilement jouable : malgré les symboles sur les voiles, il est quasiment impossible de savoir sur quels bateaux tirer. Et c’est problématique, puisque c’est le but du jeu !

Prendre en compte toutes les formes de handicap n’est malheureusement pas possible quand on crée un jeu avec un temps et un budget limités, mais ça ne nous empêche pas d’essayer d’anticiper les problèmes dès la conception et de proposer des modes d’accessibilité pour s’adapter au plus grand nombre d’utilisateurs possible quand ça ne prend pas trop de temps.

C’est ce que nous avons fait pour le cas du daltonisme : nous avons créé un outil interne qui permet d’adapter tous nos jeux faits sous Unreal Engine et de résoudre le problème en un clic, voici le résultat vu par un daltonien rouge-vert :

Solution dans Bow island vu par un daltonien

Dans la suite de cet article, à paraître très prochainement, nous vous expliquerons comment faire pour implémenter cette technique très facilement dans Unreal Engine, et nous vous donnerons des outils pour l’intégrer à d’autres moteurs et vous adapter à d’autres formes de daltonisme.

Sources : INSEE, via